Ceux qui suivent mon actualité via Twitter, Instagram ou Facebook -où je suis revenu pour des raisons professionnelles (beurk!)- ont dû apprendre que je vis désormais à Marseille. Marseille, cité étrange. Marseille, deuxième ville de France, probablement la plus sale d’Europe, paradis du narcotrafic, où dès la descente du train on est pris à la gorge par des effluves de pisse et de pauvreté que même le mistral omniprésent peine à dégager. Mais bon, quand on débarque de Yaoundé ville poubelle, difficile de taper la bouche.
Marseille où je suis arrivé par amour, resté par devoir et d’où je m’apprête à m’enfuir par instinct de survie. Ceci est une autre histoire, bientôt dans les librairies, abonnez-vous!
De Marseille, je suis avec attention l’actualité de mon pays le Cameroun… Celle qui tourne en boucle sur les médias gaulois est redondante: immigration, remigration, immigrés, migrants… Racisme, xénophobie ordinaires. Aucun intérêt.
Le retour du Roi
C’est sur une terrasse de bar qu’il y a plusieurs jours que j’ai appris le retour de Paul Biya au Cameroun après une absence de plus d’un mois. Absence non justifiée qui a créé une énième polémique. Stratégie pré électorale d’autocrate ou tentative de camouflage de l’état précaire de la santé du nonagénaire? La réponse reste le secret le mieux gardé du Cameroun.
C’est également lors de cette soirée chaude dans ce bar de quartier au nom aussi Intermédiaire que sa programmation que j’ai croisé une jolie suédoise, sujet, entre autres, de ce billet.
De suédoise, elle n’a pas les clichés physiques habituels. A part les yeux bleu-vert et la crinière blonde, la liane est plutôt petite et mince. Ça tombe bien, j’ai désormais la phobie des hauteurs et des poids lourds, je n’ai ni les centimètres, ni le permis nécessaires.
Après une heure de drague intensive dans un anglais qu’elle parle à la perfection, la go se met à rire de mes saillies. En application du proverbe “femme qui rit à moitié dans ton lit”, je subodore l’affaire pliée.
Après deux heures d’un concours de descente de pintes mousseuses que je confesse avoir perdu, la viking passe à l’attaque.
– Flo, it’s late. At your place or mine?
Ouiiiiiiiiiii papaaaaaaa!!!!
Je choisis d’aller chez elle. Règle numéro un de la thermodynamique de l’échange occasionnel des fluides sexuels : éviter les matchs à domicile. En cas de déception, toujours garder l’avantage de la retraite, stratégique ou non.
La fin de soirée dans son 70m2 alterne entre liqueurs et prise de substances que je n’oserais déclarer au douanier le plus corrompu de l’aéroport de Douala, encore moins à vous.
Restons francs, j’ai peu de souvenirs de la nuit qui s’ensuivit.
Les choses sérieuses commencent le lendemain. Oui, je suis un gars du matin. Ce moment où les gens “normaux” vont trimer dans les champs de coton modernes désormais appelés bureaux, ou conduire une cuvée de mioches dans les centres de rétention pompeusement qualifiés d’écoles. Ces matinées qui exemptent mon cerveau du stress lié aux plaintes; aux coups contre les murs pour dénoncer le « bruit », mais qui cache mal l’immixtion d’un voisinage oisif dans la vie d’autrui.
La chevauchée de la Valkyrie
Préliminaires expédiés, la liane décide de passer en position d’Andromaque. « Andromaque »… nomenclature inutilement pompeuse pour dire que la liane s’assoit sur moi. Un missionnaire inversé quoi!
Dans la foulée, elle jumelle nos corps… et là… Je sens comme un renouveau. Pas le régime mortifère et incompétent qui tient le Cameroun sous emprise depuis des décennies hein… Plutôt une sensation nouvelle. Une plongée au coeur d’un pot de miel, doux et accueillant qui me chante une symphonie du plaisir.
Dans un premier temps, je savoure la sensation. Je maîtrise. Mais la liane décide d’accélérer le mouvement. L’intensité du ressenti est telle que je perds pied. S’ensuit un dialogue de sourds où incantations en basso’o répondent à des invocations en suédois.
Fatalement, je sens naître un influx nerveux entre mes synapses. Le truc d’une violence inédite trouve son chemin le long de ma colonne vertébrale qu’il descend à la vitesse de l’éclair et vient se loger dans mon engin de travail auquel il ordonne de finir le travail.
A l’arrivée de l’influx nerveux précurseur de la délivrance, j’entends, perdu dans les limbes du plaisir, la voix de mon coeur en surchauffe me susurrer méchamment : « petit, arrête ça! tu tentes de joua tu vas die! »
En gros, mon coeur m’annonce qu’il n’arrive pas à suivre la cadence et que si dans un des scénarios prévus par mon engin de masculinité avec qui il ne s’entend pas, j’ai prévu de lâcher la sauce, il vaudrait, mieux m’en abstenir.
Hey mouf! Je n’obéis pas à cette voix de la raison et accélère le mouvement, à l’unisson.
La chute du Faucon Noir
C’est au moment d’exploser que le truc bizarre se produit. Manque de poussée, absence de portance. Mon coeur s’emballe puis s’étouffe. Survient le premier passage à vide. Le coeur pompe, mais un toup dans ma poitrine indique qu’il a pompé dans le vide.
ékié!
Je sens mon corps défaillir, se ramollir. Mais l’idiot qui me sert d’organe sexuel s’entête. Au deuxième « toup », je comprends que je fais une forme de tachycardie. Douleur dans la poitrine, un voile noir enserre ma vue. Ma conscience en pleine dilution m’impose un postulat: Ngimbis tu vas mourir ici et maintenant, sur une liane. Alors que mon membre et mes hanches continuent de se mouvoir, je réalise que je suis en train de m’évanouir.
Pas de tunnel, ni d’ange, ni de lumière, ni d’ange de lumière au bout d’un tunnel. Pas de dernière pensée pour ma mère , ni mes enfants connus ou inconnus. Au moment de rejoindre le Valhalla de Nyanon, un seul visage s’impose à ma conscience en plein naufrage: Paul Biya le président de mon pays.
Je me dis qu’il est injuste que je crève avant le président du prétendu Continent. Oui oui, alors que je suis littéralement en train de mourir de plaisir, mon esprit sort ma pire phobie: crever sans avoir vu mon pays libéré de la pire dictature d’Afrique.
J’ai pensé à toutes les personnes mortes juste pendant l’absence présidentielle. Juste dans cet intervalle. Les victimes des inondations dans le Septentrion; les forçats de la vie, broyés quotidiennement dans des cercueils de tôle et de ferraille sur les pistes camerounaises. Les victimes de meurtres, de féminicides du fait d’une justice pourrie jusqu’à l’os. J’ai pensé aux compatriotes transformés en purée par des camions d’un autre âge transportant des conteneurs n’obéissant à aucune norme de sécurité du fait de la corruption endémique de mon pays. Aux morts du NOSO, aux personnes décédées sur les lits des mouroirs appelés hôpitaux, à cause de coupures de courant intempestives, d’un système de santé incapable d’implémenter un système d’assurance maladie ou de vaincre un misérable moustique vecteur de tant de décès.
J’ai pensé à tous ces morts du sous-développement et je me suis demandé ce que je dirais aux ancêtres qui m’attendent de l’autre côté. J’ai pensé à mes obsèques, à mon héritage. Comment sera-t-il quantifié? En likes sous de misérables posts sur les réseaux sociaux? En diatribes sur un blog fantôme? L’espace d’un instant j’ai eu la vision fulgurante de cet échec à la hauteur du désastre qu’est mon pays, décrépit, poussiéreux et pourtant gorgé de talents. Et là, alors que groggy et presque KO, je songeais à me laisser glisser dans une ultime extase, je me suis dit non, Ngimbis, il est impossible que tu meures là. Il t’est défendu de partir avant le Renouveau. Tu dois t’interdire de mourir maintenant et d’aller raconter à Um, Ouandié et compagnie que depuis quarante deux ans, un seul individu dirige par procuration le pays pour lequel ils ont donné leur vie. Qu’alors qu’eux ont porté couilles et pris armes pour donner sens et forme à ce rêve kamerunais, toi à l’instar des tiens, t’es réfugié dans un renoncement passif, caché dans l’espoir qu’une horloge biologique sonne l’heure de ce qui ne sera probablement pas une libération.
I’m alive!
Réaction immédiate: manoeuvre de dégagement. J’essaye de me relever. La petite qui croit à un jeu amoureux essaye de me replaquer dans le lit. Petite soeur, tu mens! Blocage de bras, enroulé, ippon soei nague! La fille blonde d’autrui effectue un mini vol plané et se retrouve par terre sur le plancher de tomettes.
Hey! What’s fucking wrong with you!???
Qui va lui répondre? L’image de mon président en surimpression, j’utilise mes dernières forces pour taper un sprint cranté jusqu’à la salle de bains adjacente dans laquelle je m’enferme. Les secondes qui suivent, un jet d’eau glacée finit de rendre ses esprits à mon corps allongé dans la baignoire.
Haletant, j’ai une pensée pour ce préfet de la Menoua mort, d’après le kongossa, dans une chambre de passe après une expérience sexuelle particulière avec une jeunette. Une gourgandine qui a eu l’idée diabolique d’imposer une fellation à la face visible de sa calvitie. Le coeur du bougre a lâché. Mon frère! Je cherche même quoi?
Au final, je ne suis pas mort. Dans les faits, j’ignore même si j’ai failli l’être. Après une explication alambiquée servie à la suédoise, je me suis enfui, promettant de revenir.
Ironie de l’histoire, quelques minutes avant d’entreprendre la rédaction de ce billet, j’étais sur internet, en train de booker un billet d’avion pour la Suède. Oui, Je dois effectuer un court séjour privé dans le bled de la petite qui veut me faire « découvrir sa culture ». Le syndrome de Stockholm semble être le mal de ceux de ma génération, autant faire la maladie en espérant développer des anticorps.
On va faire comment? Je suis camerounais, ou bien?
On est ensemble!
Belle plume, la fin de cette histoire est tout simplement renversante
Man, ravi de te relire. Superbe comme d’habitude.
Super Florian
PTDRRRRR MAGNIFIQUE
Le retour de mon blogger préféré !
Excellent <3